vendredi 2 décembre 2011

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Résumé des doctrines des principales écoles philosophiques grecques

Epicurisme, Stoïcisme, Scepticisme, Cynisme
     Ces quatre écoles ont été inspirées par Socrate, et se sont développées  essentiellement à Athènes vers le 4ème siècle av J. C. En tant qu’écoles, elles ont disparu  mais en tant que doctrines elles subsistent. Leurs œuvres nous sont connues essentiellement grâce à des Manuels et à des questions-réponses d’autres philosophes. Un Manuel était destiné aux étudiants et contenait la doctrine.

Epicurisme : Fondé par Epicure. Il s’est installé dans un lieu qui s’intitulait « le Jardin ». Son cours était ouvert à toutes et à tous.
Tout de suite, Epicure a été attaqué et on a inventé le préjugé de l’épicurien se livrant de manière effrénée à la jouissance  de toutes sortes de plaisirs.
La Nature étant le seul guide,  il nous faut adopter une hygiène de vie qui repose sur l’équilibre naturel (c’est le contraire de la caricature).
Nous devons  rechercher le bonheur par la renonciation préventive à ce qui nous fait souffrir
Chacun doit apprendre à  se contenter ( c’est-à-dire : se rendre content).
Il importe de vivre au présent, non dans les regrets ni dans l’attente de l’avenir.
Il ne faut pas craindre la mort ni l’avenir : « Quand je suis, la mort n’est pas ; quand la mort est, je ne suis pas. ».
Enfin, il convient de refuser de croire aux Dieux ou à une quelconque finalité : rien n’est prémédité.
Conclusion : Toute quête nous entraîne au-delà de ce qui est en nous naturel et nous écarte ainsi du bonheur puisqu’elle est sans fin. Philosopher cependant est une activité (c’est la seule) qui rassure les hommes en dissipant leurs ténèbres et qui permet d’atteindre cette tranquillité de l’âme (ataraxie, absence de troubles) qui est la condition du bonheur.

Stoïcisme : Du mot grec « stoa » qui signifie  « portique » : c’est à cet endroit d’Athènes que se réunissaient les Stoïciens.
Vivre conformément à la nature en conformant ses désirs à l’ordre rationnel de l’univers. Par là ils reprenaient la vieille équation grecque : « l’harmonie est à l’univers ce que la justice doit être à la cité » : Harmonie / Univers = Justice/Cité.
Première phrase du Manuel d’Epictète : « Il faut distinguer ce qui dépend de nous de ce qui ne dépend pas de nous ».
Une autre Maxime de Sénèque : « Ne pas chercher à lutter contre ce qui nous arrive mais l’accueillir et ainsi trouver la tranquillité de l’âme, condition d’accès au bonheur « 
Descartes, dans Le Discours  de la méthode se donne : « une morale par provision ». Il s’inspire des Stoïciens pour écrire : « Changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde. »
Être courageusement en cohérence avec soi même, d’après Sénèque : « Toujours vouloir la même chose, toujours refuser la même chose. »
Cette philosophie de la rigueur a elle aussi été caricaturée. On doit à Alfred de Vigny l’invention de l’attitude stoïque qui a peu à voir avec le Stoïcisme : être ferme, courageux et résolu face à l’adversité.

Scepticisme : Autrement appelé « le Pyrrhonisme » du nom de son fondateur, Pyrrhon.
 Le scepticisme (du grec skeptikos, « qui examine ») est, au sens strict, une doctrine selon laquelle la pensée humaine ne peut se déterminer sur la possibilité de la découverte d'une vérité. Il ne s'agit pas de rejeter la recherche ; son principal objectif n'est pas de nous faire éviter l'erreur, mais de nous faire parvenir à la quiétude (ataraxia), loin des conflits de dogmes et de la douleur que l'on peut ressentir lorsqu'on découvre de l'incohérence dans ses certitudes.
Il s’agit donc de refuser tous les dogmes, toutes les croyances établies (philosophiques ou religieuses) ou les mettre en doute. (Montaigne avait comme devise : «Que sais-je ? »).
S’accepter soi même et accepter le monde tel qu’il est, sans en attendre rien de pire ni en espérer rien de meilleur.
Prendre la vie comme elle vient en se laissant aller à son mouvement naturel.
Agir arbitrairement en écoutant que soi et ne pas chercher à justifier ses actes.
S’abstenir de tout et ne porter aucun jugement de valeur.
Être indifférent aux choses du monde.
 « Le scepticisme est la faculté de mettre face à face les choses qui apparaissent aussi bien que celles qui sont pensées, de quelque manière que ce soit, capacité par laquelle, du fait de la force égale qu'il y a dans les objets et les raisonnements opposés, nous arriverons d'abord à la suspension de l'assentiment, et après cela à la tranquillité», Sextus Empiricus,Esquisses pyrrhoniennes, I, 8 »

Cynisme : Diogène :  Ne reconnaître aucune autorité ; récuser dieux et maîtres, et les lois parce que ce ne sont que des inventions.
Vivre à contre courant des modes, des dogmes et même de la politesse.
S’efforcer à vivre en autarcie ou du moins refuser toute dépendance.
Désirer la maîtrise de son existence et de ses forces ; croire que se construire soi même est possible.
Le modèle du cynisme est l'animal. La société est perçue comme corruptrice et changeante, là où la nature est vertueuse et universelle. Diogène de Sinope se revendique ainsi cosmopolitain, c'est-à-dire citoyen du monde. Son souci est de vivre selon des règles de vertu universelles.
Les armes du cynique sont la transgression, l'ironie. En transgressant tous les interdits, le cynique veut démontrer qu'aucune des règles sociales n'est essentielle, et que seule compte l'éthique naturelle, universelle : la vertu.
L'école cynique prône donc la vertu et la sagesse, qualités qu'on ne peut atteindre que par la liberté. Cette liberté est une étape nécessaire à un état vertueux et se veut radicale face aux conventions communément admises, dans un souci constant de se rapprocher de la Nature.

Le Devoir   


Que dois-je faire ? Selon Emmanuel Kant c’est l’une des trois questions essentielles de la philosophie – les deux autres étant : Que puis-je savoir ? Que puis-je espérer ?
Cette question prend pour objet nos propres actions. Or l’idée même de devoir implique une certaine liberté. Dans le monde animal, il y a nécessité : pas de liberté donc pas de devoir. Non soumis à la seule nécessité, nous avons le pouvoir de décider ce qui doit être à la place de ce qui est.  La question est de savoir comment nous devenons conscients de nos devoirs et ensuite quelle volonté devons-nous avoir pour être à la hauteur de nos exigences ?


Dès l’enfance nous apprenons à  obéir en étant obéissants. Ce sont des obligations. Les enfants ne savent pas décider ce qui est bien. (Enfant = (latin) infans = qui ne parle pas). De manière innée, les enfants ne savent pas les valeurs communes.

Obéir vient du fait que nous sommes dès le départ à la fois imparfaits et incomplets.
Peu à peu, nous découvrant imparfaits nous voulons nous approcher d’un idéal, d’un meilleur. Je ne peux pas me contenter de mes imperfections, de mes manques, de mes lacunes et de mes vices. Il me faut m’améliorer. Donc, je me donne comme à mon enfant, des devoirs pour échapper le plus possible à une réalité imparfaite. On obéit parce qu’on sait qu’au bout du compte il y a un mieux à gagner. Ce mieux peut consister dans le partage des valeurs comme dans le développement de mes talents et de mes vertus.  
Nous obéissons parce que nous sommes incomplets en étant seul : nous ne pouvons pas, alors que nous sommes des enfants, nous donner à nous-mêmes nos propres valeurs, nous devons les emprunter. Nous devons les partager et c’est au prix de ce devoir que nous existons ensemble.
Notre liberté commence par l’obéissance parce qu’elle est un chemin vers la conscience et vers l’autonomie du jugement.

Devoir (grec) = Déon à déontologie

La morale est un idéal : on accepte en pensée qu’on a des devoirs mais dans la pratique on ne le réalise pas toujours. Nous ne sommes pas profondément concernés par la validité de nos devoirs. On n’obéit qu’à une autorité supérieure avant de la faire sienne. Afin que j’obéisse au bien quand je suis seul. 
Jean-Jacques Rousseau : « S’il faut obéir par la force, on n’a pas besoin d’obéir par devoir, et si on l’on n’est plus forcé d’obéir on n’y est plus obligé ». Du contrat social

Il est donc légitime de désobéir à un pouvoir illégitime. Jean Moulin a désobéi par devoir. Le parangon de la désobéissance légitime est Antigone.

A Nuremberg, a été inventé le concept de « crime contre l’humanité » : Je ne peux pas tuer, même en obéissant à des ordres supérieurs, des individus sous prétexte qu’ils sont vivants ou qu’ils appartiennent à une communauté particulière.
Montrer que de fait les hommes n’accomplissent jamais tous leurs devoirs n’est pas une objection contre le devoir, cela confirme seulement que la morale est un idéal et non pas une réalité.
On a dit qu’on n’obéissait pas toujours à nos devoirs, même à ceux qu’on se donne.
L’expérience de Stanley Milgram (cf. le film I… comme Icare) est tout à fait éclairante sur l’obéissance aveugle.
On constate que le penchant de l’obéissance va vers le mal.
"Video meliora proboque deteriora sequor".
Ovide, Les Métamorphoses 7:20 -paroles prêtées à Médée : "Je vois le bien, l'aime, et je fais le mal." 
Obéir au mal, c’est par le biais de l’autorité appartenir, être reconnu, donner un sens collectif à sa vie. Obéir à des valeurs, c’est se déterminer seul et en conscience.


On apprend à obéir par obligation et pour se parfaire et se compléter. Mais la morale étant un idéal, celui du bien, obéir ne peut pas être une fin en soi. On doit donc légitimement désobéir à ce qui est injuste ou mal.



La Technique, l’Art et le Beau.  


Jusqu’au 18ème siècle, art et technique étaient synonymes en tant qu’ils manifestaient  un même pouvoir de création, celui d’un monde artificiel dû à l’esprit et à la main de l’homme.

Art  en grec = technê (latin = ars)

Puis à la Révolution française, les deux termes se sont spécialisés ; la technique a d’abord désigné des procédés matériels qui interviennent dans un art, puis l’ensemble des procédés d’action et de fabrication. Tandis que l’art désignait la production d’œuvres (opus – (pluriel = opera))  pour leurs formes, ainsi que l’activité désintéressée par excellence consacré à un idéal : le beau.

Procédé : en latin = procedere = avancer
Forme parfaite = idée (à Platon)

Beau à Grec ancien : kala
         à Grec moderne : morphia, ce qui veut dire : forme
Laid à Amorphia : qui n’a pas de forme


Cela posé, leurs définitions sont fluctuantes historiquement et nous invitent à nous demander : en quoi l’art est-il une activité différente des autres techniques ? Le beau et l’utile s’opposent-ils  nécessairement ? La technique a-t-elle aujourd’hui tué l’art ?





L’artiste doit tenir compte du matériau avec lequel il travaille et des moyens et outils qu’il a à sa disposition. D’ailleurs, l’activité artistique change de degré et non pas de nature en fonction des outils et des matériaux à disposition. Léonard de Vinci liait production et création.
La production suppose l’application méthodique d’une technique. (Produire= process = procédure). La création renvoie à un pouvoir divin. La création se fait à partir de rien, à partir du néant (cf. Genèse).
Il reste de ce pouvoir divin l’idée d’inspiration. Socrate disait qu’il était inspiré par son « daîmon » et reconnaissait que les poètes étaient « les interprètes des dieux » et donc leur déniait tout savoir faire propre (cf. Ion).

Daîmon = génie familier, voix divine, pour Socrate.

L’art est lié au surnaturel : il n’est pas simplement une technique, il est cette technique plus de l’inconnu, du spirituel…

Archeiropoïeta : non fait par la main de l’homme.

L’art chrétien au départ ne devait pas exister puisque le christianisme prolongeait l’interdiction juive de la représentation. Cependant de glyphes en images (en grec : icône), la production fut abondante jusqu’aux crises iconoclastes (entre 6ème et 8ème siècle). La réponse des Pères de l’Eglise a été d’autoriser la production d’images « non faites de mains d’hommes ».
Le Saint Suaire de Turin, le voile du Christ de Véronique (= image du vrai, vraie image).
Comme le Christ est « Dieu invisible rendu visible », alors je peux produire des images de ce qui est invisible. « Per invisibilia visibilia »

Emil Cioran – Syllogismes de l’amertume
«  Il y a quelqu’un qui doit tout à Bach. C’est Dieu »
Il y aurait donc une différence radicale entre l’art et la technique. Cette dernière a pour règle définitive, l’efficacité. Tous les moyens sont bons d’agir sur la réalité à partir du moment où ils agissent efficacement. Elle réduit toute chose à l’usage qu’on peut en avoir ( Principe que Marcel Duchamp  subvertit – Fountain – 1917).
La technique est utilitariste et instrumentaliste. Selon Heidegger, le monde est devenu technique et science qui ne pense pas. Au départ, la technique, comme le rappelle Platon dans le Protagoras, est un don de Prométhée pour aider les hommes à vivre dans une nature qui leur est hostile, pour produire de l’art et pour améliorer leurs conditions d’existence. Elle est donc utile à l’homme. C’est son développement moderne qui fait peur. L’art est à l’opposé de cette conception : il agit sur notre sensibilité et oriente vers un idéal désintéressé, le beau et ajoute une dimension spirituelle à l’homme.


Sensibilité – esthétique = sens (5)
Asthéno = je ressens (anesthésié = ne plus ressentir) 
Emotion = Moto = mouvement intérieur profond et souvent ascendant (ça me remue, et ça me transporte).
Le jugement de valeur est subjectif par le fait que c’est moi qui perçois, par mes sens. Il peut y avoir une non reconnaissance esthétique par d’autres. Mais ainsi que le précise Kant : « Est Beau non pas ce qui plaît à tout le monde, mais ce qui mériterait de plaire à tous ».


Les œuvres artistiques échappent à l’usure du temps parce qu’elles sont « symboliques ». Hannah Arendt explique que les œuvres « sont la permanence et la consistance du monde humain ». ( Crise de la culture)
Cependant la distinction entre production et création, entre artisan et artiste n’a pas toujours existé. Elle a commencé au 16ème siècle et a pris un tour juridique au 18ème siècle.
L’artisan ne vise pas la beauté pour elle-même, l’artiste applique des règles déjà établies mais la distinction est fragile : l’artiste travaille aussi les conventions et l’artisan peut innover.
Y’a-t-il une distinction entre les deux ?
Kant reprend l’idée socratique d’inspiration. Il écrit : « les beaux-arts sont les arts du génie »

« Génie » = genius = propre à chacun, particulier ; Donc original
Inventé en même temps que la signature. Ils signaient une œuvre qui leur était propre.
Le génie est pour Kant une disposition innée de l’esprit : « le don naturel qui donne les règles à l’art ». Pour lui, l’artiste est donc un créateur original qui ne sait pas vraiment comment il produit son œuvre, alors que l’artisan est un exécutant. (Critique de la faculté de juger). Mais pour Nietzsche cette « explication par le génie n’explique ni les motifs ni les mécanismes de l’invention et nous excuse en quelque sorte de n’être pas créateur nous-même en nous dispensant du travail astreignant que réclame l’art, dont parle Baudelaire.
Cette question n’est pas tranchée ; nous devons à présent nous interroger sur l’idéal poursuivi par l’œuvre d’art.

Le plaisir esthétique que nous procure la beauté est produit par la forme de ce qui nous affecte ; le sentiment du beau est suscité par la forme de ce que nous contemplons non par son utilité. Kant écrit que ce qui est beau « n’est pas ce qui nous est agréable sensuellement ; est beau ce qui plaît universellement sans concept ». Le caractère désintéressé du plaisir suscité en nous par le beau sera le signe propre de l’œuvre d’art.
Selon Hegel, dans l’Esthétique, l’art vise à satisfaire l’esprit dans ce qu’il a de rationnel, abstrait est donc d’universel en laissant intact l’objet représenté alors que le désir vise à satisfaire nos sens en consommant l’objet réel. Le plaisir esthétique est indépendant du désir envers ce qu’il présenterait. Il est « l’Esprit se prenant pour objet ». Le Beau est donc universel : il n’est pas ce qui plaît à tous mais ce qui mériterait donc de plaire à tous les hommes, en tout temps et en tout lieu. Cette idéalisation reprend la conception platonicienne du beau qui est une idée suprasensible, c’est-à-dire : dont on s’approche en s’éloignant de la réalité sensible dont elle n’est qu’un reflet.


Au 19ème siècle, cette idéalisation a trouvé sa forme radicale dans l’Art pour l’Art, c’est-à- dire : loin de toutes utilités.
Théophile Gautier, préface à Mademoiselle de Maupin.
Cette idéalisation s’est tout de suite trouvée contestée par le Romantisme dont l’utilité est l’expression ordonnée du « Moi » ; mais aussi, elle a été contestée par l’environnement technique issu de la Révolution industrielle dont certains artistes se sont plus à vanter les beautés et les innovations bouleversantes.
Une grande partie du 19ème siècle a continué dans cette voie en se mettant au service de productions utilitaires telles que la mode, le mobilier, l’industrie automobile. Cet intérêt pour l’objet technique s’est trouvé artistiquement employé par Marcel Duchamp, concepteur de « Fontain » et inventeur du « Ready Made ». Dada va regarder autrement les inventions techniques d’autant que dans le même temps se déroulait la première guerre mondiale : pour la première fois au monde la technique permettait de détruire de façon considérable.
Le design s’est surtout développé après la deuxième guerre mondiale, pour accompagner le développement technique et son extension à « la société de consommation » (Jean Baudrillard) . Son objectif est de dessiner des formes et de les embellir.
Kant avait prévenu : il y a la « beauté libre » et la « beauté adhérente ».
En privilégiant la beauté adhérente du fonctionnel par exemple, la beauté de l’objet technique et jusqu’à la production en série  d’œuvres, Walter Benjamin se demande si l’art n’a pas perdu son identité.


En fait, depuis Gutenberg, le rapport direct entre un manuscrit original et son public a disparu. Le mouvement n’a fait que se poursuivre avec la photographie, le disque, la radio, le livre d’art, la télévision (le 8ème art), le cinéma (le 7ème art), l’informatique.
Walter Benjamin estime que cette reproductibilité fait perdre à l’œuvre d’art son « aura »  quasi sacrée. A sa place se développent des formes de consommation culturelles de masse. Elle perd son caractère religieux au profit d’une appropriation par le peuple et de fait, elle doit tenir compte de la demande de divertissement du grand nombre et donc répondre à des impératifs commerciaux du système néolibéral. 
L’art s’est mis au service de la production de masse et de la technique et, dans le même temps, celle-ci se soucie davantage de la forme et de la beauté.
La conception de l’art est donc remise en cause. De nombreux artistes contemporains délaissant le service  d’un beau idéal, proposent de faire jouer à l’artiste un rôle « conceptuel » : à l’instar de Marcel Duchamp qui en 1917 a intitulé un urinoir « Fountain » : il s’agit de débaptiser l’objet technique, de faire disparaître son utilité technique et d’adopter à son égard un nouveau point de vue. Duchamp affirme que c’est moins l’artiste que le spectateur qui fait l’œuvre. Suite à Hegel qui pensait que l’art est mort  parce qu’il ne produit plus de sens par lui-même, certains philosophes modernes évoquent la fin de l’art et estiment que ce sont moins les propriétés propres à une œuvre d’art qui en font une œuvre d’art, que le regard que la société porte sur elle. La question reste ouverte et beaucoup de gens sont perplexes devant les œuvres aujourd’hui.



Les relations entre l’art et la technique ont été au cours de l’Histoire très complexes et le demeurent. Intimement liés, ils se sont séparés jusqu’à l’idéalisation de l’un au mépris de l’autre. Mais l’envahissement technique a fini par pousser l’art à se redéfinir et même à se dissoudre dans la technique.
Cette histoire a au moins le mérite d’en finir avec les schémas tout faits et les idées préconçues, et de nous inviter à renouveler constamment notre vision des mondes naturel et artificiel.