mardi 25 janvier 2011

Fiches Philo Design de Mode

1- Appartenance et différenciation


L'appartenance, voilà bien un mot qui caractérise chaque individu de cette planète. Elle désigne le fait d'appartenir à une catégorie, un groupe. Or, qu'il s'agisse d'appartenance ethnique, religieuse ou sociale, nous faisons tous partie de groupes prédéfinis par notre environnement et le milieu dans lequel nous évoluons. L’appartenance est une aspiration essentielle de l’humain. Elle lui procure un effet de reconnaissance et constitue un élément de son identité. Elle est le signe d’un lien humain et d’une place parmi nos semblables. Cette appartenance induit donc une ressemblance. Ainsi, chaque groupe, communauté ou ethnie se différencie de son voisin, ce qui procure au monde la diversité des cultures.
Mais au-delà de son besoin d'appartenance, l'homme aspire également à une identité individuelle, une personnalité qui lui serait propre. Se pose alors la question suivante : si l'on s'associe à un ensemble par le biais d'une ressemblance, comment se distinguer à l'intérieur de son propre groupe?
En effet, nos us et coutumes sont quasi identiques, nous évoluons au sein d'une même société et de mêmes institutions, nous obéissons aux mêmes lois, nous partageons souvent le même langage et la même religion. Il faut alors se forger sa propre personnalité et l'une des façons les plus évidentes pour la mettre en avant est l'apparence et l'habillement.
Le vêtement conjugué avec nos caractéristiques physiques est un des éléments les plus évidents de la différenciation. Chacun parvient alors par le simple geste de l'habillement à se créer une identité physique unique. La tenue vestimentaire devient le reflet de la personne et donc de l'identité. Il est alors évident que lorsque nous nous habillons nous tentons de véhiculer un message, de donner une image de nous-même. Le tailleur, par exemple, connotera le pouvoir. Ce message pourra ainsi varier, de façon contrôlé ou non, en fonction des vêtements que nous portons et de l'occasion pour laquelle on les porte. D'un point de vue social, une forme de hiérarchie se met en place en fonction de notre statut. Un ministre s'habillera en costume, un professeur souvent de manière plus décontractée et un ouvrier en bleu de travail. La tenue vestimentaire tend alors à informer autrui à la fois de ma personnalité, de mon statut social ou de ma fonction. Elle donne une image qui me définit. Si l'image que je reflète à travers mes vêtements a un impact sur le monde qui m'entoure alors qu'en est – il si je décide de mettre moi-même une image explicite sur mon habit ?
Mon vêtement véhiculerait ainsi le message que je souhaite, et pourrait sortir des codes préétablis de la société actuelle.
Si je décide d'intégrer une image à un vêtement, c'est que j'ai fait le choix d'une image en particulier plutôt qu'une autre et donc que je cherche à mettre en avant une chose qui me ressemble, qui me représente ou qui me plait.
L'image que je mets sur mon vêtement établirait un lien entre ce que je suis et ce que je parais, elle exprimerait mes opinions, mon état d'esprit. Si l'on se penche sur la définition exact de l'image, le latin « Imago » est «la représentation visuelle, voire mentale de quelque chose, d'un objet, d'un être vivant, d'un concept . Elle peut entretenir un rapport de ressemblance directe avec son modèle ou au contraire y être liée par un rapport plus symbolique».
Ainsi, l'image que je choisis de porter sur un vêtement serait en quelque sorte une image de moi-même car elle renverrait directement à quelque chose qui fait partie de mon intériorité (humeurs, réactions affectives, ressenti, etc...). Je conserve toutefois la liberté de choisir une image fausse, en contradiction avec ce que je suis ou avec ma fonction. Je peux donc par le biais de l'image être dans le déguisement plutôt que dans l'exhibition, rester dans le paraître et non dans l'être. Car l'image est un simulacre (pour reprendre le mot de Platon), une imitation, et n'est parfois qu'un mensonge .


2 - CHAMAN, l'homme animal.

            Le principal point d'ancrage du chamanisme, et le plus solide, demeure la Sibérie, où il est qualifié d'authentique, de "classique". La taïga est la terre d'origine du mot "chaman", il désigne "le serviteur de la religion"; or l'une de ses fonctions premières est de sacrifier des animaux. Or, si les chamans sacrifient des animaux, il est étonnant de voir qu'ils implorent ensuite leur pardon. Quels rapports lient le chaman aux animaux ? Le chamanisme, comme forme d'animisme, considère l'animal égal à l'homme; ainsi la chasse de ces animaux est conçue comme un échange avec la Surnature; et le chaman, pour entretenir ces échanges, doit lui-même devenir animal.
            Les sociétés "archaïques" seraient arrivées à l'idée d'un principe différent du corps, c'est-à-dire à l'idée de l'âme, à la suite de divers phénomènes. Quand ce principe abandonne provisoirement le corps, l'homme s'endort, l'âme vagabonde et a ses propres expériences, les rêves. Lorsque l'âme se sépare du corps, c'est la mort. L'extase et la maladie sont un abandon temporaire du corps par l'âme. Et, puisqu'on rêve de personnes décédées, l'âme survit à la mort. L'âme est cette entité spirituelle de l'homme qui tire directement son origine de la divinité.
            Dans la conception chamanique, les os de l'homme sont faits avec l'arbre familial, les muscles avec la terre, le souffle est donné par le vent. L'âme, l'énergie vitale, est donnée par les dieux. Par ces éléments, l'homme est lié à la nature et au cosmos, il forme le tout, une unité avec l'espace dans son ensemble. L'existence autonome de l'âme conduit à l'idée des esprits indépendants, qui animent les êtres naturels, végétaux ou animaliers. Ainsi, l'homme appartient à un tout dont font partie les esprits qui peuplent cette Nature. Animal vient d'anima, âme en grec. L'animal, puisqu'il est habité par un esprit de la même manière que l'homme a une âme, est l'égal de l'homme. La vie des humains dépend de la bienveillance de ces esprits. Il est donc nécéssaire d'avoir un médiateur dans les relations entre les personnes qui habitent le monde supérieur et le monde inférieur, c'est le rôle du chaman. C'est à partir d'un fond animiste que les chamans ont donné forme à l'idée d'un "commerce professionnel" avec les esprits.
            Le chamanisme est étroitement lié à la chasse puisque sa fonction première est de favoriser l'obtention du gibier. Ce gibier est animé par des esprits avec qui le chaman entretient des relations pour avoir accès aux êtres naturels qu'ils animent. Or, cette prise est fondée sur une relation d'échange et doit être compensée. De même que les humains mangent la viande des animaux, les esprits des espèces sauvages sont censés dévorer la chair et boire le sang des humains; le renouvellement des générations, par la réincarnation, est donc la condition de la réapparition du gibier. Cet échange est régi par une véritable sympathie avec la Surnature. Le chaman prend une épouse dans le monde nourricier: la fille de l'esprit donneur de gibier qui l'a élu pour mari. Elle agit en protecteur du chaman, l'aide à trouver son chemin et dirige sa destinée, accueille les sacrifices et écoute les prières. Elle lui obtient le gibier mais aussi des esprits auxiliaires animaliers qui lui servent de guides dans la Surnature. Les esprits sont donneurs de mort tout autant que de vie. S'ils jettent des maléfices aux hommes, c'est lorsque ceux-ci ne respectent pas le "contrat". C'est alors au chaman d'aller "négocier" le rétablissement du malade. Un rituel commence par le sacrifice d'un animal aux esprits pour que ceux-ci dévorent sa chair plutôt que celle des hommes. En échange, c'est lui-même qui se rend, offrant finalement à la Surnature sa propre force de vie: à la fin d'un rituel, le chaman tombe comme mort, accomplissant l'échange entre humanité et Surnature. Il devient à son tour le gibier.
             Le chaman est marié à la fille de l'esprit donneur de gibier. Comme elle reste animale dans sa relation conjugale avec le chaman, c'est à lui de la rejoindre lors des rituels. Pour voyager dans le monde de la Surnature, le chaman va partir en transe, son âme va s'extraire de son corps pour voguer à travers les différentes strates du monde. Ce voyage céleste par l'esprit, cette capacité à se mettre volontairement en transe passe par la perception de la musique magique, du bruit ensorcelant des tambours, des chants enivrants et par des danses exténuantes. Les chamans guérissent par l'art : les mythes et les chants. Durant son rituel, le chaman appelle les esprits courroucés, le sacrifice d'un animal est donc nécéssaire pour que ceux-ci s'en nourissent plutôt que de s'en prendre aux personnes assistant au rituel. Le tambour du chaman, où sont représentés ses esprits auxiliaires, le protège. Avec son costume - manteau en peau de cervidé, coiffe en couronne à ramure - et par l'apparence ensauvagée de son comportement durant le rituel, le chaman devient lui-même animal et est donc prêt à aller "négocier" avec les esprits, d'égal à égal.



3 - PUNK & ROCK

=Inventer contre=

  Le punk rock est un genre musical dérivé du rock, apparu au milieu des années 1970, associé au mouvement punk de cette même époque.
Il se développe surtout entre 1974 et 1976 aux usa, u.K. et en Australie. Des groupes comme the Ramones, the Sex Pistols, et The Clash sont  les pionniers d'un nouveau mouvement musical.
La première vague punk rock a eu pour but d'être agressivement moderne[]. Lorsque la révolution punk rock a commencé en U.K., elle est censée être une « Année Zéro » à la fois musicale et culturelle. On est alors dans le besoin de réinventer le monde et de se réinventer soi-même avec l’optique de détruire pour mieux reconstruire.
  À l'origine, les punks, qui baignent dans la fin des illusions hippies des années 1970, sont souvent des individus créatifs qui redoublent d'énergie devant la vision très négative du monde et de l'avenir, l'ennui et l'asphyxie qui se présentent à la jeunesse. Alors que le Disco est dominant, ils vivent l'amusement frivole comme une tromperie ringarde et se tournent vers une autre musique brute et rebelle, expression du désœuvrement moral de la jeunesse. Beaucoup plongent dans la drogue, le refus de tout, la musique non-conventionnelle, etc. C'est aussi par esprit de révolte contre un système qu’ils jugent nihiliste rejoignant Nietzsche pour qui la négation de l'être est une manière divine de penser, en ce sens qu'elle est un rejet définitif de tout idéalisme et de ses conséquences. Les Sex Pistols lancèrent le « No Future », appelant à la révolte contre l'ordre établi et la morale bourgeoise.
Il s’agit pour eux d’inventer contre.
  La philosophie du punk est d’abord l’urgence, le cri, la singularité et l’énergie voire l’émeute. L’invention passe par la destruction et contre les politiques des années 70. Le punk n'est en principe pas égocentré : il ne s'intéresse pas à la question de savoir s'il est punk ou pas, mais se concentre sur son action. L'idée est que « punk » ne soit pas une simple étiquette mais bel et bien un mouvement actif ; il s’agit d'agir pour des causes qui touchent à cœur ceux qui participent au mouvement. Ce discours, souvent à l'origine extrêmement sombre et pour certains tourné vers l'autodestruction, cohabite avec l'ambiance fun et destroy des concerts et une certaine insouciance. Une nouvelle forme de révolte prend la place : beaucoup de groupes punk se politisent et abandonnent la violence des débuts ; on se bat pour avoir un avenir, on lutte pour le droit des femmes, contre le racisme, etc. Il ne s'agit plus de se shooter pour se couper d'un monde dégueulasse, on agit pour l'améliorer. Au désespoir des premiers temps a succédé l'espoir d'un autre monde. C'est notamment ce que portent les Bérurier Noir, dénonçant l'état du monde, l'égoïsme des hommes, et militant en musique pour un monde plus noble, plus libre, d'où seraient éradiqués racisme, sexisme, pollution, guerres, etc.: un monde idéaliste vidé de toute ses peurs, de l’appréhension du futur chaotique.


4 - MUTATION(S)

   La faculté d’adaptation de l’Homme est sa plus grande force. Si pour certaines espèces elle assure la survie (survie passive), pour la race humaine elle prend une toute autre dimension. L’Homme sait tirer le meilleur profit de tout ce qui l’entoure afin d’atteindre les buts qu’il s’est fixés. Notre instinct animal de domination et de pouvoir est renforcé par notre capacité à créer nos propres moyens. Ces différentes techniques se sont illustrées à travers les cultures et les époques.
Cette particularité du genre humain est intéressante car elle est constante et amène à comprendre le fonctionnement de la société actuelle et les problématiques qui en découlent, à savoir, les luttes de pouvoir, la société de performance, la prépondérance de la génétique…
Deux aspects sont particulièrement éloquents. D’un côté notre instinct qui a une prédominance  guerrière et de l’autre une volonté de compenser nos faiblesses physiques. Le Guerrier par exemple, se transforme pour produire un effet, l’effet de la peur qu’il fait passer à travers l’imitation du comportement ou des caractéristiques animales. Les capacités polymorphiques de l’être humain le place dans une position d’indifférenciation, ni tout à fait homme ni réellement animal. Impressionner,  se  protéger, sont autant de préoccupations qui poussent l’homme à changer d’apparence.
   Dans les luttes de pouvoir, l’apparence joue un rôle crucial et détermine notre façon de nous habiller. Pour certaines tribus, il s’agissait de porter la peau de l’animal que l’on a tué pour imposer le respect ; pour les samouraïs, le masque de combat représente un visage mi- humain, mi- animal destiné à impressionner l’ennemi ; et pour les working-woman des années 80, il s’agissait d’exprimer son statut de femme de pouvoir en accentuant sa carrure à renfort d’épaulettes.
 L’homme cherche à s’identifier car il fonctionne par « évocations ». L’idéalisation du corps est constamment présente dans ses représentations à travers l’Histoire ; c’est une caractéristique de l’Homme, de l’Egypte Antique à nos jours : il cherche à se représenter ou à ressembler à son idéal, le plus souvent divin. L’idée du beau se retrouve tant dans les statues grecques que dans les modifications chirurgicales actuelles ; du sensible à la matière, on passe à l’intelligible, pour reprendre le vocabulaire de Platon. La transformation volontaire nous fait passer du naturel au culturel en amenant les notions de déification, d’idéalisation, d’esthétisme, d’appartenance ou encore de  reconnaissance. Chez l’être humain, la mutation est une liberté qui traduit un choix, le choix de se détacher de sa nature profonde, des choses qui le contraignent. Même si cela implique de s’imposer de nouvelles contraintes, telles que les corsets ou les modifications physiques (implants) car elles contrarient l’état naturel du corps. Mais être humain, n’est-ce pas nécessairement se modifier ?
   L’homme, conscient de ses faiblesses, cherche constamment à améliorer sa condition en tirant de lui-même ses propres outils. Dans la créature de Frankenstein de Mary Shelley, on retrouve le mythe de Prométhée venu apporter le feu aux hommes pour compenser leur faiblesse physique, évoqué dans le Protagoras. C'est ce don lui-même, conçu a priori comme une bénédiction, qui est a posteriori la cause de leur chute. Dans le même ordre d’idées, la médecine moderne repose de plus en plus sur l’intégration de dispositifs mécaniques et électroniques dans le corps humain, ce qui n’est pas sans susciter des inquiétudes. L’Art Post-humain qui dénonce un adieu à la forme générique de l’humain et le danger du renoncement à sa propre figure rejoint cette idée et nous met en garde sur la perte de contrôle telle qu’elle est initiée déjà dans le mythe de Prométhée.